Un nouveau développement pour les SCI françaises
07/06/2017- Dans un arrêt du 29 septembre 2016, la Cour de Cassation belge est revenue sur sa décision de 2004 concernant la fiscalité des SCI translucides.
La Belgique ne connaît que deux régimes fiscaux pour les structures sociétaires : l’opacité fiscale et la transparence fiscale (pour les "sociétés de droit commun" belges)
Translucidité fiscale
La France, connaît également le régime de la translucidité fiscale ce qui n'est pas la même chose que la transparence fiscale. La translucidité fiscale implique que :
- la SCI doit déclarer ses revenus fonciers (formulaire N° 2072 S-K).
- chaque associé de la SCI doit déclarer sa quote-part des revenus fonciers perçus par la SCI (même si ces revenus ne sont pas distribués) et payer l'impôt sur ces revenus. Cette imposition est l’impôt définitif sur les revenus immobiliers.
- la distribution ultérieure des bénéfices de la SCI n’entraîne pas, en France, une seconde imposition au titre de dividende.
Quel est le régime fiscal des SCI en Belgique ?
1.- La SCI ne distribue aucun revenu à ses associés
Si la SCI ne distribue aucun revenu à ses associés, les revenus fonciers ne sont imposables qu'en France, en vertu de la convention préventive de la double imposition signée entre la Belgique et la France (1).
L'administration fiscale belge admet ceci, mais elle applique le régime de "l'exonération avec réserve de progressivité" (2). Cela veut dire que le contribuable belge doit également déclarer en Belgique ses revenus immobiliers français pour déterminer le taux de l’impôt belge. C’est le régime de "l'exonération avec réserve de progressivité".
- Si les immeubles sont loués, le contribuable belge doit déclarer les loyers encaissés (après déduction des impôts français payés). Il sera tenu compte de ces loyers encaissés après déduction d'un forfait de 40 % au titre de frais d’entretien et de rénovation.
- Si les immeubles ne sont pas loués, il faut déclarer la valeur locative (nette d’impôt français) ; de ces montants seront également déduits 40 % au titre de frais d’entretien et de rénovation.
L'administration fiscale assimile donc translucidité fiscale et transparence fiscale.
Une application correcte du principe de translucidité fiscale (c-à-d les actionnaires ne font que payer l’impôt de la SCI) devrait exonérer le contribuable de toute obligation de déclaration, en Belgique, des revenus immobiliers français.
2.- La SCI distribue des revenus à ses associés résidant en Belgique
Dans ce cas, l’administration fiscale belge prend la position que ces revenus distribués sont des dividendes ou d'autres revenus non nommément définis dans la convention préventive de la double imposition. Ces deux types de revenus sont alors taxables en Belgique.
L'administration assimile ici la translucidité fiscale à l’opacité fiscale.
Jusqu’à présent, la jurisprudence de la Cour de Cassation était favorable au contribuable (3). Elle estimait que les revenus perçus devaient être considérés comme des revenus immobiliers, taxables en France et exonérés en Belgique sous réserve de progressivité.
Cette jurisprudence a été suivie par la plupart des cours d'appel (4). L’administration fiscale belge ne l’a toutefois jamais acceptée.
Dans son arrêt du 29 septembre 2016 (5), la Cour de Cassation a donné raison à l’administration fiscale qui avait affirmé que :
Le fait que l'impôt ne soit pas effectivement payé par la société mais par chacun des associés n'est qu'une modalité particulière du recouvrement de cet impôt frappant les bénéfices sociaux qui ne remet pas en cause l'existence d'une personnalité fiscale propre dans le chef de la SCI.
[...] en droit français, les parts de sociétés civiles immobilières translucides ne sont pas considérées comme des biens immeubles mais revêtent un caractère mobilier.
La Cour de Cassation a décidé que
La convention préventive de la double imposition franco-belge prévoit que la notion de bien immobilier se détermine selon des lois de l'Etat où est situé le bien (6).
Pour les SCI, il faut donc se référer à la loi française :
L'article 8 CGI prévoit que les membres des SCI translucides sont soumis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux, que ceux-ci soient distribués ou mis en réserve.
L'article 238bis K CGI prévoit que cette part dans les bénéfices sociaux est censée représenter, pour chaque membre personne physique agissant à titre privé, des revenus immobiliers eu égard à la nature de l'activité desdites sociétés.
Par conséquent, en droit français les droits sociaux des SCI translucides ne sont pas des biens immobiliers pour l'application de la convention préventive de la double imposition franco-belge.
Conclusion
Et si les parts de SCI translucides revêtent un caractère mobilier, les revenus qui en découlent doivent nécessairement être considérés comme des revenus mobiliers. Ils doivent donc être déclarés dans la déclaration fiscale comme des revenus mobiliers imposables au taux de 30 %.
Comme la Belgique ne connaît pas le régime de la translucidité fiscale, les litiges restent nombreux. L’arrêt de la Cour de Cassation est un exemple de plus, mais maintenant elle a donné raison à l’administration belge.
La convention préventive de la double imposition franco-belge ne donne donc pas une protection suffisante contre la double imposition, d'abord en France sur les revenus fonciers de la SCI, et ensuite en Belgique sur les distributions des bénéfices.
_____________________
(1) Art. 3 de la convention préventive de la double imposition franco-belge du 10 mars 1964
(2) Article 19 de la convention
(3) Cass. 2 décembre 2004, n° F.03.0006.F, www.cass.be
(4) Mons, 6 octobre 2004 ; Gand, 29 avril 2014 ; Bruxelles, 10 septembre 2013 ; Liège, 27 février 2010.
(5) Cass., 29 septembre 2016, n° F.14.0006.F, www.cass.be.
(6) Il y a une exception (au point 2 du protocole final de la convention) pour les SCI françaises qui ont pour unique objet soit la construction ou l'acquisition d'immeubles ou de groupes d'immeubles en vue de leur division par fractions destinées à être attribuées à leurs membres en propriété ou en jouissance, soit la gestion de ces immeubles ou groupes d'immeubles ainsi divisés.